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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 10:32

Le 31 août 2009 dans la soirée l’Arménie et la Turquie ont redus public un double protocole en vue de présenter d’ici à six semaines à leurs parlements respectifs des documents sur l’établissement de relations diplomatiques bilatérales. Le document prévoit également l’ouverture de la frontière deux mois après la ratification des documents par les assemblées parlementaires d’Ankara et d’Erevan. L’engouement médiatique autour de cette publication à fait de cette journée un tournant historique dans les relations des deux pays

 

Dans la pratique des relations internationales (à savoir la convention de Vienne), il est rare que deux pays fassent ratifié par voie parlementaire les accords des relations diplomatiques. Nul doute que cette procédure donne la possibilité de traîner et de garder en otage les relations arméno-turques en attendant un règlement du conflit du Haut-Karabakh.

 

En effet, la publication de ces protocoles est de nature à créer une accélération des négociations autour des « principes de Madrid » concernant le Haut Karabakh, en accentuant la pression sur Erevan pour qu’elle accepte ces principes début octobre lors de la rencontre Sarkissian - Aliev à Chisinau (Moldavie).

 

Le deuxième objectif de cet accord est de forcer le président Sarkissian à se rendre en Turquie pour le match retour. En effet, dans ces dernières déclarations publiques le président arménien à plusieurs fois préciser qu’il se rendrait en Turquie seulement si la frontière était ouverte où si un processus serait mis en place pour une prochaine ouverture. Un simple calcule  abouti au fait que les 6 semaines finissent à la mi-octobre, et le match de football est programmé le 14 octobre. Il ne faut pas exclure que lors de cette visite, Sarkissian et Gül signeront l'un des protocoles sur le rétablissement des relations. Comme le déclare le ministre des affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu : « Si tout va comme prévu, et si des mesures mutuelles sont prises les frontières pourraient être ouvertes autour de la nouvelle année…»

 

Les États-Unis sont le principal moteur de l'action dans le processus de promulgation de ces protocoles. L’administration américaine tente de sortir l’Arménie de l'orbite de l'influence de la Russie à travers la Turquie et, dans une certaine mesure, de celle de l'Iran. Ce n'est que le début d'un grand jeu géopolitique d'échecs dans le Caucase du Sud et le bassin de la Caspienne, avec la Turquie comme acteur principal.

Pour ça part la Russie à l’aide de ces réserves énergétiques essaie activement de réduire l'influence des États-Unis en Turquie et en Azerbaïdjan.

 

En effet, trois semaines après la conclusion d'un accord, à Ankara, sur le futur gazoduc « Nabucco », soutenu par l'Union européenne et par les Etats-Unis, Moscou riposte en se tournant à son tour vers la Turquie. Vladimir Poutine et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ont scellé leur entente le 6 août 2009, notamment sur le projet de gazoduc « South Stream », concurrent direct du « Nabucco ». « South Stream » sera construit par le géant russe Gazprom et par la compagnie italienne ENI, et passera sous la mer Noire et ralliera la Bulgarie, via les eaux territoriales turques.

 

Concernant l’Azerbaïdjan, les 27 et 28 août derniers, des représentants de Gazprom ont visité l'Azerbaïdjan afin d'examiner les aspects techniques des livraisons de gaz azerbaïdjanais à la Russie. Aux termes d'un contrat signé entre GNKAR (Compagnie nationale azerbaïdjanaise de pétrole et de gaz) et Gazprom, ces livraisons doivent débuter en janvier 2010.

 

Le processus de promulgation de ces protocoles présage néanmoins des risques et des menaces intérieures à la fois en Turquie et en Arménie. Le risque majeur est que les deux assemblées rejettent l’approbation de l’accord.

 

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan doit faire face à l’opposition kémaliste et nationaliste obsédé par la négation du génocide arménien et le traité de Sèvres de 1920 officialisant une Grande Arménie.

 

Pour sa part le président arménien Serge Sarkissian doit faire face à l’opposition menée par Levon Ter-Petrossian (qui demande sa démission et celle de la FRA Dachnaktsoutioun qui demande la démission du ministre des affaires étrangères Edouard Nalbandian. Il est possible que l’opposition arménienne (CNA et FRA) face front commun sur ce dossier pour freiner le rapprochement.

 

Ankara essai de ménager Bakou en précisant que le gouvernement turc ne prendra aucune mesure qui « blesserait les intérêts de l'Azerbaïdjan ». Selon le porte-parole azéri des affaires étrangères, le double protocole est « …contradictoire avec les intérêts nationaux… ». Naturellement, Bakou lie l’ouverture de la frontière avec le règlement du conflit du Haut-Karabakh. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan et d'autres diplomates turcs ont à plusieurs reprises énoncé que les relations arméno-turques ne seront pas normalisées tant que le conflit du Haut-Karabakh demeure non résolue en faveur des intérêts azéris. Cependant, le document ne fait aucune référence au Haut-Karabakh.

 

Bakou a une marge de manœuvre pour essayer d'ajuster l'action du gouvernement turc dans le cas d'une tournure négative des événements pour l’Azerbaïdjan. En utilisant ses positions fortes dans les domaines socio-politiques et chez les cadres militaires, Bakou parvient à obtenir des déclarations apaisantes qui lient l’ouverture de la frontière au Haut-Karabakh. Dans une certaine mesure le rapprochement entre Erevan et Ankara sans condition préalable met Bakou dans un « KO technique ».

 

Dans ces conditions Erevan doit être une force de proposition et prendre des initiatives diplomatiques pour pas qu’on lui force la main dans la signature d’un accord minimaliste sur le Haut Karabakh, en contrepartie de ce rapprochement sans condition préalable.

Une initiative possible consisterait à mettre en place un dispositif de dialogue  arméno-azéri qui comporterait des dispositions favorisant les parties à parvenir à un consensus et maintenir le statut quo tout en intégrant le Haut Karabakh comme acteur.

La première disposition pourrait être que les parties signent un accord de paix  (qui sera valable jusqu'à la fin du processus de négociation) pour éviter les parties à avoir recours à la propagande car il provoque l'inimitié dans les sociétés. La seconde serait la mise en place de la confiance et de la compréhension à travers  des programmes conjoints d’échanges dans les sociétés des deux Etats. La troisième disposition serait la mise en place de programmes de coopération économique. Via ces programmes, le Haut-Karabakh sera en mesure de participer aux programmes régionaux et d'avoir l'occasion de contact direct avec l'Azerbaïdjan.

 

Comme dans les relations arméno-turques ou arméno-azéris il est indispensable d’instaurer une confiance réciproque pour une paix durable, car « la réconciliation, c'est le partage équitable de la confiance ». (Jean Hatzfeld)

 

Alen Ter Markossian

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