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5 août 2009 3 05 /08 /août /2009 09:15

Un an après l’élection agité de Serge Sarkissian à la présidence arménienne, la politique étrangère arménienne a connu quelques changements significatifs sous les impulsions du tandem « Sarkissian-Nalbandian » par rapport au duo précèdent « Kotcharian-Oskanian » qui officia de 1998 à 2008. Diplomate du ministère des affaires étrangères de l’URSS sous Andropov de 1983 à 1986, et plus récemment ambassadeur d’Arménie à Paris, Edouard Nalbandian succède à Vartan Oskanian à la tête de la diplomatie arménienne en avril 2008.

 

Le départ des neo-conservateurs de George W. Bush de la Maison Blanches et l’arrivée des démocrates de Barack Obama avec de nouvelles orientations de politiques étrangères est l’un des défis auxquels doit faire face la diplomatie arménienne. L’administration américaine veut renforcer l’influence d’Ankara dans la région et « réinitialiser » ses relations avec Moscou. L’objectif est de se créer un « libre accès » dans le Sud-Caucase pour accéder à l’Asie Centrale afin de sécuriser les sources d’approvisionnement énergétique et les dossiers afghano-pakistanais et plus largement le dossier iranien. Erevan doit intégrer cette nouvelle donne dans sa diplomatie pour ne pas se retrouver isolé et procéder à des concessions.

 

Dans le contexte de la débâcle géorgienne durant la deuxième guerre d’Ossétie du Sud en août 2008 qui a fait de la Géorgie un état « paralysé », la Turquie à proposer le Pacte de paix en vue de maintenir la stabilité dans le Caucase. Néanmoins ce « Pacte » est vide de toute proposition concrète. Ainsi Ankara ambitionne de devenir en quelque sorte le gendarme caucasien et pourrait influer sur le règlement des conflits en fonction de ces intérêts propres ou ceux de ces alliés (Bakou et Tbilissi) et dans une moindre mesure ceux de la Russie dans les volets économiques et énergétiques.

 

Le dossier arménien pèse néanmoins lourd pour pouvoir se présenter telle une blanche colombe aux yeux de la communautés international (génocide arménien, blocus économique) d’où la nécessité de faire des gestes d’apaisement. C’est dans ce cadre que le président turc Abdullah Gül accepta l’invitation de S. Sarkissian d’assister au  match de football Arménie-Turquie le 6 septembre 2008 à Erevan. Un nouveau terme était né chez les diplomates internationaux « la diplomatie du football ».

 

Dans la nuit du 22 avril 2009, à quelques  heures avant la commémoration annuelle du génocide des Arméniens le 24 avril, la Turquie et l’Arménie annoncent qu’elles s’étaient mises d’accord à Genève sur une « feuille de route » visant à la normalisation de leurs relations. C’est dans ce contexte que B. Obama ménagea la Turquie dans son allocution du 24 avril 2009 préférant l’expression arménienne de « Medz Yeghern » (« le Grand mal ») à celui de « Génocide » promis durant sa campagne présidentiel.

 

Il faut en déduire que l’administration américaine à plus qu’encourager Ankara et Erevan à négocier. Les Etats-Unis ont tout intérêt à ce que la Turquie ne prête plus flanc aux critiques car ils comptent sur elle comme intermédiaire entre eux-mêmes et l’Iran comme entre Israël et les Palestiniens. Le nouveau chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu est un artisan de la Turquie comme un « facilitateur de la paix » ou une nouvelle « pax ottomana » aux confins de l’Europe, du Caucase et du Proche-Orient.

 

Le ballet diplomatique et les déclaration contradictoires des différents chefs d’état et des diplomates occidentaux font naître des spéculations quant au contenu de cette « feuille de route » qui est encore secret et nulle ne peut prédire si elle contient des conditions ou pas quant à la normalisation des relations arméno-turque.

Depuis l’arrivée au pouvoir de S.Sarkissian les présidents arménien et azéri Ilham Aliev se sont rencontrés cinq fois en une année. Le rythme soutenu des rencontres est significatif des pressions exercées par le Groupe de Minsk (Etats-Unis, Russie et France) enfin de créer des percées significatives dans le règlement du conflit du Haut-Karabakh. La Russie pour soigner son image diplomatique auprès de la communauté internationale après la guerre en Georgie a fait signer le 2 novembre 2008 à Moscou un document superficiel sur la bonne volonté des présidents Azéri et Arménien pour une solution pacifique. Erevan et Bakou n’avait pas signé de documents conjoints sur le Haut-Karabakh depuis le cessez le feu de mai 1994. Moscou se présente depuis la chute de l’URSS comme la garante de la stabilité dans la région et la seule puissance capable de concilier les intérêts de tous les acteurs de la région, c’est une démonstration de son influence. L’élargissement continue de l’OTAN ou l’admission des républiques sud-caucasiennes au « Partenariat Orientale » de l’UE sont en partie dirigé pour réduire graduellement l’influence russe, c’est le « soft power » atlantiste.

 

Moscou, Washington et l’UE exercent depuis longtemps des pressions importantes sur l’Arménie pour qu’elle se retire au moins de cinq (Agdam, Fizouli, Djebrayil, Koubatly et Zanguelan) des sept régions (excepté Kelbadjar et Latchin) autour du Haut Karabakh en échange d’un referendum sur le statut de la région. Certes, il est impossible de parler de la restitution du Haut-Karabakh à Bakou. Néanmoins, les relations arméno-azéri sont toujours très tendues sur la ligne de cessez le feu. Les arméniens  sont la cible d’un politique étatique xénophobe mise en place par le « Clan du Nakhitchevan » au pouvoir à Bakou et dans une moindre mesure ceux des « Yeraz » (azéris d’Erevan) écarté des cercles dirigeantes depuis l’arrivée au pouvoir d’Ilham Aliev en 2005 succédant au décès de son père Heyder Aliev.

 

La « renaissance » de l’islam avec le Parti pour la justice et le développement (AKP) parti islamo-conservateur, au pouvoir en Turquie depuis 2002 dirigé par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le réchauffement armeno-turque est de manière générale contraire aux intérêts de l’Azerbaïdjan. Cependant, l’Azerbaïdjan est en mesure d’avoir une certaine influence sur les décisions d’Ankara. La première forme de pression correspond à un « chantage » économique, en négociant avec Moscou pour le passage du gaz et de ce fait faire capoter le projet européen « Nabucco » ou bien l’augmentation du prix de la fourniture du gaz à la Turquie. La deuxième forme de pression est politique, c’est celle des généraux turcs et de l’armée turque qui peuvent défendre les intérêts de Bakou à Ankara.

 

Une paix « réel » dans le Sud Caucase nécessite deux transformations stratégiques clés. La première est que les intérêts stratégiques de la Russie, ne peuvent pas être ignorés. De croire et de se comporter autrement entraînerait le chaos régional. L'autre clé est que la Turquie et l'Arménie ne peuvent pas rester toujours des adversaires. Il doit y avoir une normalisation de ces relations pour que le Sud Caucase deviennent une région «fonctionnelle». Ironiquement, la Russie et les États-Unis reconnaissent que c'est dans leur intérêt. La Russie voit des relations normales entre la Turquie et l'Arménie en tant que moyen de réduire au minimum la Géorgie de son rôle stratégique dans la région. Le point de vue des États-Unis sur une ouverture à la Turquie comme un moyen de diminution la dépendance de l'Arménie envers Moscou.

 

Ainsi la diplomatie arménienne doit défendre ses intérêts (autodétermination du Haut-Karabakh, reconnaissance du génocide arménien, intégration de l’Arménie dans les corridors de transports d’énergie) malgré les pressions et les influences des acteurs régionaux et internationaux. Sans une diplomatie active, Erevan risque de devenir le maillon faible de la région à long terme. Malgré des marges de manœuvre assez réduite, Erevan dispose néanmoins de quelques possibilités pour résoudre cette équation.

 

Tout d’abord, combler les déficits démocratiques de la politique arménienne. Le manque d’assise populaire du gouvernement arménien depuis les élections présidentielles de 2008 et l’élection municipale d’Erevan en 2009 risque de servir de moyen de pressions enfin de pousser l’Arménie a des concessions sur les sujets du génocide et du Haut Karabakh en contrepartie du lever du blocus.

 

Pour sortir de cet étau une amnistie générale pour les opposants emprisonnés est inévitable. Les autorités doivent également garantir des élections réellement libres et honnets. Cette démocratisation est possible avec la diminution du pouvoir oligarchique qui concentre les richesses et influence les dirigeants politiques. Toutes ces mesures conduiraient à réduire quelques pressions internationales notamment européennes liées aux processus démocratiques en panne.

 

Dans le cadre d’une préservation de l’équilibre des forces dans la région, la diplomatie arménienne à tout intérêt à se rapprocher de l’Europe en tant que facilitateur et moyen de pression sur Ankara pour intensifier le dialogue et que la normalisation aboutisse dans un premier temps par l’ouverture de la frontière arméno-turque. Néanmoins, sans un consensus interne et un soutien populaire profond il serait suicidaire pour les autorités d’Erevan d’accepter des compromis et des conditions sur ce sujet.

 

En parallèle, malgré la crise financière qui a ralenti la croissance économique du « Tigre Caucasien » il est indispensable pour l’Arménie de continuer à prendre part et essayer d’intégrer les projets régionaux pour atténuer son isolement par la construction d’infrastructure de transport (voie ferrée Iran - Arménie) ou d’énergie (oléoduc Tabriz – Yeraskh, raffinerie et central hydroélectrique à la frontière arméno - iranienne) et ainsi renforcer son rôle stratégique.


Nous sommes peut être témoin d’un « Dayton Caucasien » et le tandem « Sarkissian-Nalbandian » doit relever tous ces défis et résoudre toutes ces équations  si elle ne veut pas que la maxime de Thucydide « les forts font comme ils l’entendent, et les faibles souffrent comme il se doit » s’applique aux intérêts arméniens.

 

 

Alen Ter-Markossian

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commentaires

D
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A
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